Les enjeux collectifs

Trois ans après la création de l’emploi d’AESH et sa séparation législative et réglementaire avec les fonctions anciennement dévolues aux assistants d’éducation, et trois ans après les dispositions relatives aux modalités de contestation de l’entretien professionnel préalable au réexamen de la rémunération des agents contractuels de l’État introduites dans le décret général de 1986, le rectorat de Nantes, après consultation des organisations syndicales lors d’un groupe de travail tenu le 27 avril 2017, a présenté au comité technique académique du 11 mai 2017, le cadre général qu’il entend mettre en place pour l’évolution triennale de la rémunération des AESH.

Il devenait urgent en effet, dans le cadre réglementaire extrêmement contraint de l’espace indiciaire faisant débuter la rémunération à l’indice correspondant au SMIC (actuel indice nouveau majoré 217) et la limitant à l’indice nouveau majoré 363 (indice brut 400 pour les habitués), d’offrir quelques perspectives de « niveaux » indiciaires, et d’assurer une certaine automaticité à la progression de la rémunération. Et cela, même si, comme pour tous les contractuels, le réexamen suite à l’entretien professionnel n’oblige pas l’administration, dans tous les cas, à une augmentation indépendante du jugement porté sur la valeur professionnelle…

Il fallait également traiter le cas des collègues dont l’engagement a déjà été transformé en CDI, pour certains depuis les premières cédéisations de juillet 2014, collègues qui n’ont pas vu leur rémunération évoluer sensiblement alors même qu’ils ont déjà bien plus de six années d’ancienneté contractuelle dans les fonctions.

Les interventions de la Fédération Syndicale Unitaire (FSU)

Tout au long de ces consultations, les syndicats de la FSU ont dénoncé, souvent seuls, un cantonnement des discussions à la seule évolution de la rémunération, s’agissant de personnels qui, pour la quasi-totalité d’entre eux, ne sont même pas à temps complet, ce qui en fait autant de sous-smicard(e)s de fait, quel que soit le niveau indiciaire de leur rémunération et celui de leur qualification réelle. Il est symptomatique de ce point de vue que l’académie tarde encore à produire les statistiques d’emploi (temps complet / temps incomplet ; CDI / CDD ; hommes /femmes) que la FSU lui a demandées depuis le dernier bilan social produit en octobre 2016, et muet à ce sujet.

De plus, la gestion au quotidien des AESH par les chefs d’établissement (trop enclins, le SNES l’a rappelé, à des confusions de genre, notamment avec les assistants d’éducation, dans les tâches imposables, au nom de l’annualisation du service dû ) comme, parfois, par les directeurs d’école (dont le SNUIPP a, lui, rappelé qu’ils n’avaient pas vocation à se transformer en évaluateurs de la manière de servir), du fait de l’absence de cadrage clair de la part du SAE, et la logique purement comptable de l’académie (voulant répondre à un besoin croissant d’accompagnement d’élèves en situation de handicap, véritable obligation de résultat aujourd’hui, avec le même nombre de personnes physiques), aboutissent :

"-" d’une part, à des « rabotages » de quotités qui, sous prétexte d’adéquation de la préconisation MDPH au seul temps présentiel des cours, sans prise en compte du temps lié au reste de l’accompagnement, aux préparations comme aux réunions pluriprofessionnelles, font porter sur des personnels déjà très mal payés les effets de restrictions budgétaires non assumées ;

"-" d’autre part, à la commission de toutes sortes d’illégalités en matière de conditions d’emploi comme de renouvellement des engagements à durée déterminée, ou d’avenants imposés aux CDI.

La FSU a dénoncé le recours annuel actuel à des entretiens professionnels, qui constitue une source de pressions continues sur des personnels déjà extrêmement précaires. Le décret de 2014 (art. 9) prévoit que l’agent "bénéficie" d’un entretien professionnel "au moins tous les trois ans", dans les conditions fixées par l’arrêté du 27 juin 2014. Pour nos organisations syndicales, il ne s’agit pas d’entretenir, par la confusion, une liaison détestable entre évolution possible de la rémunération et renouvellement des CDD, ou poursuite de l’engagement pour les CDI.

La FSU s’est également étonnée que la détention d’un diplôme dans le domaine de l’aide à la personne, voire l’obtention du diplôme d’État d’accompagnant éducatif et social enfin institué par le décret n° 2016-74 du 29 janvier 2016, ainsi que, plus généralement, la participation aux actions de formation dispensées par l’employeur public, et toute action de validation des acquis de l’expérience, ne puissent pas également entrer en ligne de compte pour une meilleure progression salariale.

La dénonciation de l’ensemble de ces problèmes a amené la délégation de la FSU à s’abstenir lors du vote en CTA, car les avancées engrangées, dont celle de la prise en compte de l’ancienneté contractuelle, et non de celle proratisée dite « de service » fonction de la quotité d’exercice), restent relatives et éloignées de revendications visant notamment, sur ce point, à une automaticité des évolutions salariales et à leur déconnexion de l’évaluation professionnelle.

I- La fixation de la rémunération initiale

Sur ce point, malheureusement, aucune évolution sensible ne pouvait être attendue, le cadre réglementaire imposant un premier engagement au minimum indiciaire permettant l’équivalence avec le SMIC (aujourd’hui l’INM 317), et l’administration consentant une amélioration seulement pour les personnels en CDI (INM 320).

II- Un réexamen triennal de la rémunération tributaire des entretiens professionnels

Rappelons tout d’abord, et du fait de la réglementation elle-même (art. 12 du décret de 2014), une augmentation ne peut jamais excéder 6 points d’indice, ce qui relativise déjà la progression possible.

Le projet de l’administration présente ainsi les modalités de cette progression, en s’appuyant donc pour l’instant sur les entretiens professionnels déjà imposés tous les ans : « Le passage d’un indice s’effectuera au regard de l’ancienneté et des rapports annuels ou entretiens professionnels positifs. Dans la procédure actuelle d’évaluation, les AESH en CDD font l’objet d’un entretien professionnel à l’issue de la 1ère année et au cours de de la 5ème année. Cependant, chaque année, un rapport annuel est sollicité. Ainsi, le rectorat ou le SMP pourront s’appuyer sur les rapports annuels pour les AESH en CDD qui auront 3 années d’ancienneté. »

Grille académique d’évolution de la rémunération


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III- Une mesure dérogatoire pour les personnels requalifiés en CDI depuis plus de trois ans

Pour tenir compte de l’ancienneté contractuelle réellement détenue, les personnels déjà en CDI depuis plus de trois ans au moment de la mise en place du nouveau dispositif se verront appliquer une mesure dérogatoire au décret de 2014, puisque le rectorat leur accordera à l’anniversaire des trois années, peut-on supposer, mais cette fois automatiquement, une augmentation de plus de 6 points d’indice, faisant passer leur rémunération de l’INM 320 à l’INM 330.

Conclusion provisoire :

Il est vraisemblable que, dans l’immédiat, peu nombreux seront les cas où une augmentation à trois ans d’ancienneté se verra refusée, au motif d’une manière de servir défavorablement évaluée. En effet, la confusion opérée entre les entretiens annuels actuels préalables à une reconduction dans les fonctions et l’entretien triennal, qui reste cadré différemment par un arrêté, est d’une légalité douteuse.

Cette confusion ne pourra éternellement se prolonger au-delà d’une période transitoire de mise en place, ne serait-ce que parce que l’AESH s’estimant mal jugé(e) a la possibilité d’engager une contestation du compte rendu d’entretien selon des modalités aboutissant à l’examen de son cas devant la Commission Consultative Paritaire, au sein de laquelle la FSU a deux élues sur cinq.

Nous soutiendrons ceux et celles qui pourraient être en butte à de tels problèmes et souhaiteraient faire valoir leurs droits à contestation, comme nous le faisons déjà sur leurs conditions d’emploi.
Mais il y a également, et plus que jamais, nécessité à renforcer la syndicalisation qui est faible, malgré le coût très abordable de la cotisation au SNUipp (1er degré) au SNES (2nd degré), au SNUEP (enseignement professionnel), coût très faible, si on combine la possibilité du prélèvement en plusieurs fois avec le crédit d’impôt équivalent à 66% de cette même cotisation sur les revenus de l’année civile concernée (ce qui signifie restitution du montant correspondant par le Trésor Public en cas de non imposition). Notre capacité d’intervention en sortira renforcée.

Textes applicables à l’entretien professionnel des AESH :

* Article 9 du décret n° 2014-724 du 27 juin 2014 relatif aux conditions de recrutement et d’emploi des accompagnants des élèves en situation de handicap

"Les accompagnants des élèves en situation de handicap recrutés par contrat à durée indéterminée bénéficient au moins tous les trois ans d’un entretien professionnel. Les accompagnants des élèves en situation de handicap engagés depuis plus d’une année par contrat à durée déterminée peuvent également bénéficier d’un entretien professionnel.

Les dispositions de l’article 1er-4 du décret du 17 janvier 1986 susvisé relatives à l’entretien professionnel, au compte rendu et à la demande de révision du compte rendu leur sont applicables.

Un arrêté du ministre en charge de l’éducation nationale fixe les modalités d’organisation de l’entretien professionnel, les critères à partir desquels la valeur professionnelle des accompagnants des élèves en situation de handicap est appréciée au terme de cet entretien ainsi que le contenu du compte rendu.
"

** Arrêté du 27 juin 2014 relatif à l’entretien professionnel et à la reconnaissance de la valeur professionnelle des accompagnants des élèves en situation de handicap

"Art. 1er. – L’entretien professionnel prévu à l’article 9 du décret du 27 juin 2014 susvisé est conduit par le chef d’établissement, ou l’inspecteur de l’éducation nationale compétent lorsque l’agent exerce ses fonctions dans une école.

L’autorité compétente fixe la date, l’heure et le lieu de l’entretien et en informe l’agent au moins huit jours avant.

Art. 2. – L’entretien professionnel porte a minima sur l’évaluation de la manière de servir de l’agent et sur ses perspectives d’évolution professionnelle. Il porte notamment sur les besoins de formation de l’agent en rapport avec ses missions et ses projets de préparation aux diplômes professionnels et aux concours d’accès aux corps de la fonction publique.

Art. 3. – Les critères à partir desquels la valeur professionnelle de l’agent est appréciée figurent en annexe du présent arrêté. Ces critères sont utilisés pour évaluer les connaissances et les compétences mobilisées et démontrées par l’agent au cours de la période écoulée. L’appréciation prend en compte la nature et la spécificité des fonctions exercées et les moyens mis à disposition. Les critères doivent être adaptés à la situation particulière de la personne évaluée.

Art. 4. – Le chef d’établissement, ou l’inspecteur de l’éducation nationale compétent lorsque l’agent exerce ses fonctions dans une école, établit et signe le compte rendu écrit de l’entretien qui comporte notamment une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle de l’agent.

Le compte rendu est communiqué à l’agent qui le complète, le cas échéant, de ses observations.

Le compte rendu est visé par le recteur d’académie qui peut formuler des observations. Il est notifié à l’agent qui le signe. Il le retourne au recteur d’académie qui le verse à son dossier.

Art. 5. – Le recteur d’académie peut être saisi par l’agent d’une demande de révision du compte rendu de l’entretien professionnel. Ce recours hiérarchique est traité selon les modalités fixées au III de l’article 1er-4 du décret du 17 janvier 1986 susvisé.

[…]
"

A N N E X E

CRITÈRES D’APPRÉCIATION DE LA VALEUR PROFESSIONNELLE DES ACCOMPAGNANTS DES ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP

"1. Compétences professionnelles et technicité :

"-" maîtrise technique de l’accompagnement d’élèves en situation de handicap ;

"-" implication dans l’actualisation de ses connaissances professionnelles, volonté de s’informer et de se former ;

"-" connaissance de l’environnement professionnel et capacité à s’y situer ;

"-" capacité d’anticipation et d’innovation ;

"-" capacité d’analyse, de synthèse et de résolution des problèmes ;

"-" qualités d’expression écrite ;

"-" qualités d’expression orale.

2. Contribution à l’activité du service :

"-" capacité à partager l’information, à transférer les connaissances et à rendre compte ;

"-" dynamisme et capacité à réagir ;

"-" sens des responsabilités ;

"-" capacité de travail ;

"-" capacité à s’investir dans des projets ;

"-" sens du service public et conscience professionnelle ;

"-" capacité à respecter l’organisation collective du travail ;

"-" rigueur et efficacité (fiabilité et qualité du travail effectué, respect des délais, des normes et des procédures, sens de l’organisation, sens de la méthode, attention portée à la qualité du service rendu) ;

"-" contribution au respect des règles d’hygiène et de sécurité.

3. Capacités professionnelles et relationnelles :

"-" autonomie, discernement et sens des initiatives dans l’exercice de ses attributions ;

"-" capacité d’adaptation ;

"-" capacité à travailler en équipe ;

"-" aptitudes relationnelles (avec le public et dans l’environnement professionnel), notamment maîtrise de soi.
"

*** Article 1er-4 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 modifié relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’Etat pris pour l’application de l’article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat

"[…] III.- L’autorité hiérarchique peut être saisie par l’agent d’une demande de révision du compte rendu de l’entretien professionnel.

Ce recours hiérarchique est exercé dans un délai de quinze jours francs à compter de la date de notification à l’agent du compte rendu de l’entretien. L’autorité hiérarchique notifie sa réponse dans un délai de quinze jours francs à compter de la date de réception de la demande de révision du compte rendu de l’entretien professionnel.

Les commissions consultatives paritaires peuvent, à la requête de l’intéressé, sous réserve qu’il ait au préalable exercé le recours mentionné à l’alinéa précédent, demander à l’autorité hiérarchique la révision du compte rendu de l’entretien professionnel. Dans ce cas, communication doit être faite aux commissions de tous éléments utiles d’information. Les commissions consultatives paritaires doivent être saisies dans un délai d’un mois à compter de la date de notification de la réponse formulée par l’autorité hiérarchique dans le cadre du recours.

L’autorité hiérarchique communique à l’agent, qui en accuse réception, le compte rendu définitif de l’entretien professionnel.
"