Une loi qui avait essentiellement pour but d’abaisser l’âge de la scolarisation obligatoire à 3 ans est devenue en quelques mois un véritable fourre-tout législatif au service de l’ambition et du projet d’un homme devenu ministre de l’Éducation nationale. Regard sur quelques articles :
Article 1 : liberté d’expression sur la sellette
Il est finalement maintenu et quasi inchangé, alors même que le ministre s’était engagé à le réécrire pour lever toute ambiguïté sur une possible mise au pas des enseignants et des enseignantes. L’étude d’impact de cet article avait en effet démontré qu’il visait à contrôler leur expression notamment sur les réseaux sociaux. « Dans le respect de la loi n° 83 634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, par leur engagement et leur exemplarité, les personnels de la communauté éducative contribuent à l’établissement du lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’éducation. Ce lien implique également le respect des élèves et de leur famille à l’égard de l’institution scolaire et de l’ensemble de ses personnels. » Une écriture qui parait anodine au premier abord mais qui tente de remettre en cause la liberté d’expression des citoyens et citoyennes que sont également les fonctionnaires de l’État.
Signer la pétition de la FSU « La liberté d’expression, nous devons la garder ».
Article 3 : cadeau à l’école privée
L’annonce présidentielle faite à l’occasion des assises de la maternelle est à l’origine de la loi et ramène l’obligation d’instruction et de scolarisation à 3 ans. Cet article aura peu d’effet sur le taux de scolarisation des moins de 6 ans, déjà très haut, en dehors de quelques départements comme la Guyane ou Mayotte mais qui ont déjà bien du mal à scolariser dans des conditions satisfaisantes les 6 ans… C’est par contre l’obligation de financement des écoles privées sous contrat par les communes qui se trouvera étendue aux élèves d’âge maternel. Une « manne » pour l’école privée car son financement risque de se faire en baissant le budget consacré aux écoles publiques. L’école maternelle publique, qui permet une mixité sociale, serait ainsi pénalisée.
Article 6 : des écoles du socle ?
C’est la grande surprise de cette loi qui au détour d’un amendement de députés LRM est venu créer « les établissements des savoirs fondamentaux ». Une école du socle qui cache son nom et qui souhaite regrouper sous une même unité, écoles et collège d’un même bassin.
Pour la FSU, il n’est pas possible que la mission de l’école soit réduite à la portion congrue des fondamentaux bien loin de satisfaire les exigences nécessaires à la formation des futurs citoyens. Modifier ainsi l’organisation et le fonctionnement des écoles ne peut s’envisager d’une manière aussi cavalière au détour d’un amendement mais nécessite une véritable concertation. Enfin, il ne saurait être question de rompre le lien de proximité, et de confiance, entre la direction d’école, les familles et les équipes enseignantes et de modifier ainsi d’un trait de plume l’organisation territoriale de la scolarité primaire. En quoi cela répond à une amélioration de la direction et du fonctionnement de l’école et à l’intérêt des élèves ?
Article 9 : fin de l’évaluation indépendante de la politique éducative
La loi supprime le CNESCO, organisme indépendant d’évaluation du système scolaire et le remplace par un conseil d’évaluation de l’école (CEE) piloté par le ministère. Un dispositif pour évaluer les écoles et les établissements à l’aide de questionnaires d’auto-évaluation. C’est donc davantage un système de contrôle que d’évaluation que met en place le ministre qui annonce tout de même maintenir sept emplois pour la poursuite des travaux du CNESCO dorénavant rattaché au Centre national des arts et métier…
Articles 10 et 12 : début de bing-bang de la formation initiale
La loi supprime les Espé pour les remplacer par les « Inspe » (Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation) dont les directeurs seront directement nommés par le ministre. Une autre forme de mise au pas pour mettre en place un référentiel de formation aux objectifs méconnus mais pour lequel le ministre a obtenu un blanc-seing des députés. Et tout cela n’est que la partie émergée d’une vaste réforme de la formation initiale qui ne répond pas à l’enjeu de former des enseignants hautement qualifiés et concepteurs de leurs pratiques pour favoriser la réussite des élèves.
Article 14 : la généralisation des étudiants en classe
Il crée un dispositif de recrutement d’AED en L2 auxquelles pourront être confiées des missions d’enseignement. Une mesure clairement dénoncée par la FSU qui y voit la porte ouverte au recrutement à bas coût des remplaçants pas encore formés pour les mettre en responsabilités de classe.
A son arrivée, le ministre disait ne pas vouloir d’une loi qui l’inscrirait dans la lignée de nombre de ses prédécesseurs. Avec cette loi il signe manifestement la main mise autoritaire du ministre de l’Éducation nationale sur l’école. Elle doit encore être débattue et votée par le Parlement, Pour la FSU, c’est une véritable loi de l’école de la défiance qui pourrait s’installer ainsi, apportant des modifications profondes, une plus grande verticalité, de nature à s’imposer et à en imposer à tous les personnels des écoles. |
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