Remise en cause des instances paritaires, recours institutionnalisé aux contractuels, gestion et évaluation des personnels, mobilité : la réforme de la Fonction publique préparée par le gouvernement aurait de lourdes conséquences pour les enseignantes et les enseignants. Toutes les raisons de la mobilisation
Le projet de loi portant réforme de la Fonction publique, contesté par la totalité des syndicats représentatifs des fonctionnaires, a pour vocation de modifier en profondeur le recrutement et la gestion des personnels. Sous prétexte de l’assouplir, il fragilise leur statut pour mieux le détricoter. Enseignantes et enseignants sont directement concernés par plusieurs dispositions du texte.
Mise en cause des instances paritaires
Gestion des carrières
Dans le but d’instaurer « un dialogue social plus stratégique et efficace », les articles 3, 9 et 12 du projet de loi visent à réduire drastiquement les attributions des commissions administratives paritaires (CAPD et CAPA). L’examen par les délégués du personnel des opérations de mouvement, d’avancement et de promotion passerait notamment à la trappe. Ne seraient plus examinés par les commissions paritaires que les recours sur les refus de temps partiel, de congés de formation, la titularisation ou le licenciement.
Il est prévu par ailleurs, de fusionner les commissions paritaires compétentes pour les personnels des écoles et des établissements du 2nd degré ou encore celles des psychologues de l’Éducation nationale avec celle des PEGC et des CPE.
Pour la FSU, il s’agit bien là de confisquer aux élus du personnel leur rôle de vérification et d’intervention qui permettent d’assurer transparence et équité dans les opérations de gestion de la carrière de toutes et tous.
Une nouvelle instance
Est aussi prévue dans l’article 2, une fusion des comités techniques (CTSD et CDEN) avec les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Une instance nouvelle unique « pour développer une vision intégrée des politiques de ressources humaines et conditions de travail », selon le gouvernement, qui entrerait en vigueur en 2022. À noter qu’aucune déclinaison locale n’est définie par le texte.
Des contractuels en veux-tu, en voilà
Même si l’Éducation nationale recrute déjà de nombreux personnels contractuels, y compris dans les écoles, plusieurs articles élargissent le recours « au contrat », avec des conséquences directes sur le fonctionnement du service public d’éducation.
Diversifier les viviers de recrutement dans l’encadrement supérieur
L’article 5 ouvre la possibilité de nommer des non-fonctionnaires dans des emplois d’encadrement dans la Fonction publique d’État. Il s’agit là d’ouvrir le recrutement à des salariés venant de l’entreprise, sans aucune connaissance donc du fonctionnement de la Fonction publique et encore moins de l’Éducation nationale. Une façon comme une autre de développer les méthodes de management du privé dans le secteur public, avec le risque bien réel de remise en cause des valeurs et des principes de neutralité et d’indépendance du fonctionnaire d’État au service des usagers.
L’article 6, lui, crée un « contrat de projet », équivalent au contrat de chantier dans le secteur privé, pour une durée maximale de six ans et dont l’échéance est la réalisation du dit projet.
Quant à l’article 7, il apporte une modification lourde de sens au code de la Fonction publique. Il prévoit d’élargir le recrutement de contractuels à différentes catégories d’emplois, tout en étendant la possibilité de le faire en CDI lorsqu’il s’agit d’occuper un emploi permanent. Sans les garanties, donc, attachées au statut de fonctionnaire.
Évaluation et sanctions
Entretien professionnel
L’article 10 du projet de loi confirme la disparition de la notation et la généralisation de l’entretien professionnel annuel. Ceci concernera essentiellement la Fonction publique hospitalière, la notation ayant disparu ailleurs.
Pour les enseignantes et les enseignants, un avis a remplacé la note et jusqu’à maintenant, il n’y avait pas d’entretien annuel comme pour les autres fonctionnaires. Et si les personnels du 2nd degré font l’objet d’une évaluation annuelle par le chef d’établissement, ceux du 1er degré y échappaient jusqu’à maintenant.
La création d’établissements inter degrés – EPLESF et EPLEI – pourrait bien changer la donne.
Sanctions
« Moderniser et harmoniser l’échelle des sanctions ». À cet effet, l’article 13 introduit la possibilité d’une exclusion temporaire des fonctions de trois jours, une sanction qui ne serait plus soumise à l’examen des CAP.
Il s’agit là de s’aligner sur la situation actuellement en vigueur dans la Fonction publique territoriale et de donner un pouvoir inédit au supérieur hiérarchique en matière de sanction. Il est aussi prévu que cette sanction soit inscrite dans le dossier du fonctionnaire.
Des dispositions à mettre au regard de l’article 1 de la loi Blanquer « Pour une école de la confiance », qui interdit aux enseignants de s’exprimer sur ce qu’ils pensent des réformes…
Mobilité contrainte ou choisie ?
L’article 9 redéfinit les priorités légales en cas de demandes de mutation au titre du rapprochement de conjoint, du handicap, de l’exercice en zone difficile et des « centres d’intérêts matériels et moraux ». De plus l’autorité compétente pourrait aussi définir des durées minimales et maximales d’occupation de certains emplois.
S’agit-il de renforcer l’attractivité de certains postes en « garantissant » la réintégration dans son poste d’origine après une certaine durée, s’agissant par exemple d’un fonctionnaire qui voudrait aller quelques années seulement sur un territoire difficile mais sans perdre son poste ? Ou s’agit-il au contraire de forcer les fonctionnaires à muter au bout d’un certain temps pour ne pas « figer » les postes les plus attractifs ? Ce type de mesure pourrait être appliqué aux personnels enseignants de l’Éducation nationale pour résoudre précisément les problèmes d’attractivité de certaines fonctions ou de certaines zones géographiques.
Pour la FSU, il s’esquisse là une atteinte à la mobilité choisie et une telle mesure mettrait en difficulté les personnels qui souhaitent changer d’affectation.
Un peu plus d’égalité
Le projet de réforme décline tout de même quelques mesures positives, en introduisant dans le texte des dispositions prévues dans le protocole « Égalité professionnelle ».
Égalité professionnelle
Obligation est faite aux employeurs publics d’élaborer un plan d’action « Égalité professionnelle » pluriannuel. Les articles 27 à 31 renforcent l’égalité entre femmes et hommes à travers notamment des nominations équilibrées aux postes de direction des établissements publics de l’État, un respect de l’égalité dans les procédures d’avancement, l’exonération du jour de carence pour les femmes enceintes quel que soit le motif du congé ou encore la mise en place d’un dispositif de « signalement des violences, de traitement et de suivi des violences sexuelles, du harcèlement et des agissements sexistes ».
Personnels en situation de handicap
L’article 32 du texte vise de son côté à ajouter des mesures favorisant les parcours professionnels des agentes et des agents en situation de handicap afin d’avoir une carrière exempte de toute discrimination.
Une procédure de promotion dérogatoire au droit commun est prévue, à l’instar de la procédure de recrutement externe par contrat (BOE). Dans le cadre des aménagements d’épreuves aux concours, le champ des handicaps pris en compte est élargi en supprimant la référence au handicap physique et la référence à la délivrance de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH).
Ordonnances
L’article 4 habilite quant à lui le gouvernement, par voie d’ordonnance, à prendre des dispositions législatives en matière de négociation dans la Fonction publique. L’objectif, explique le texte, est de « promouvoir le rôle et la culture de la négociation et d’en développer la pratique, en particulier aux niveaux de proximité qui constituent le quotidien des agents. »
Ce qui permettrait, pour la FSU, une remise en cause du cadre national garanti par le statut et le code de la Fonction publique.
De la chaise vide à la rue
Lasses des pseudo concertations dédiées à l’examen de ce projet de loi, exaspérées par la non prise en compte de leurs remarques et de leurs propositions, la quasi-totalité des organisations syndicales de fonctionnaires, dont la FSU, ont choisi ces dernières semaines de ne pas participer aux consultations organisées par le gouvernement.
Le 19 mars prochain, la CGT, la FSU, FO et Solidaires appellent les fonctionnaires à faire grève et à manifester partout en France comme prochain temps fort de la mobilisation.